Prise de notes



spécialité H.G.G.S.P.
 
 



CHAPITRE II
Démocratie et sciences politiques....



3. "Liberté des anciens, liberté des modernes" :  la fondation de la démocratie libérale théorisée par Benjamin Constant en 1819 (par la définition d'aspirations propres à l'ère contemporaine qui justifieraient la préférence des "modernes" pour une démocratie représentative et non directe)


manuel pp 48-49
Un idéal ancien.
Partisan de la démocratie, Hérodote, célèbre contemporain de Périclès, qu'il admire, voit dans la démocratie le seul régime qui garantisse la Liberté. Dans son "enquête", le père de l'Histoire  distingue la démocratie (qui, selon lui, "porte le plus beau des noms : isonomia) de l'oligarchie (synonyme de disputes incessantes entre le tout petit nombre de ceux qui dirigent) et la monarchie, qu'il présente comme le meilleur des régimes. Du moins aux yeux des Perses et à condition  que le monarque soit bien choisi, suivant un dialogue imaginé par l'auteur Grec, lequel donne là une version très romancée du remplacement de l'empire des Mèdes par celui de la dynastie des Achéménides.  Hérodote insiste cependant sur la figure d'Otanès, personnage héroïque qui ne veut "ni commander ni obéir" et refuse le trône tout en demandant une exemption pour lui-même et ses descendants à l'obéissance due au roi.




RAPPEL Après l'expérience athénienne : la quête de la liberté demeure le but suprême mais être libre reste  un privilège (une contradiction que les penseurs démocrates doivent s'efforcer de surmonter)

Une qualité propre à l'élite dans le monde Grec et Gréco-romain.
Le "privilège de Liberté" (François Jacques)  concerne une très faible fraction de la population athénienne
(sans doute 10%) malgré l'instauration d'un régime démocratique dans la cité. Les femmes libres y sont exclues du pouvoir politique et demeurent même, pour les plus respectables d'entre elles, confinées au gynécée. La plupart des habitant(e)s sont par ailleurs des métèques (étrangers au droit athénien, qu'il s'agisse ou non de gens venus d'ailleurs) et enfin des esclaves. Aux yeux des Grecs, dont la plupart des cités ne sont pas démocratiques et admettent des inégalités entre citoyens, c'est leur Liberté qui caractérise les Hellènes, ceux-ci obéissant en effet seulement à la Loi, un principe qui fonde la supériorité de la cité (démocratique ou non) par rapport aux institutions des Barbares, lesquels sont toujours soumis à l'arbitraire de leurs rois. Les Romains reprennent à leur compte cette distinction fondamentale entre ceux qui vivent dans les cités (nombreuses dans tout l'empire et censément autonomes) et les étrangers ignorant ce mode de vie, tenus là encore pour des Barbares ; de même, ils réservent jusqu'en 212 (édit de Caracalla) la citoyenneté à une partie seulement des personnes libres (les autres habitants de l'empire sont des esclaves ou des pérégrins, étrangers au Droit romain, soit pour cette dernière catégorie un groupe équivalent à celui des métèques).
 

Une quête longtemps mise en sourdine...
Rome incarne un régime réduisant le suffrage populaire à une expression toute symbolique et confie finalement - sous le Principat puis durant l' Empire tardif, après 284 - l'essentiel du pouvoir central à un seul citoyen (lequel, cependant, ne prend pas le titre de roi, mais cumule toutes les principales magistratures de la République et cohabite avec le Sénat, représentant des classes fortunées). Le christianisme encourage par ailleurs la soumission au souverain, qu'il s'agisse ou non d'un roi juste (c'est-à-dire chrétien) et substitue à la recherche du bien commun une autre priorité : celle de "faire son salut" (la seule cité idéale accessible devient la "cité de Dieu"). L'idéal démocratique n'est cependant pas oublié aux époques médiévale et moderne : Machiavel l'évoque par exemple, et, surtout, les Lumières du XVIIIème siècle croient que l'usage de la Raison peut permettre à l'Humanité de se libérer pour faire son bonheur. Mais Voltaire, notamment, est plus attentif  au droit des individus qu'à la défense des libertés collectives et ne croit guère au principe d'Égalité (critiquant les idées de Rousseau sur cette question).

...Jusqu'à ce que les révolutions atlantiques proclament le droit à
la Liberté et à l'Égalité.

La conciliation de ces deux principes semblent pourtant difficiles. A l'issue de la Révolution française, le Peuple souverain, quoique formé de citoyens égaux en droits, délègue en effet à une élite politique le représentant l'administration de la Nation (Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de  1789). Cette démocratie représentative, d'inspiration libérale et proche des modèles anglais et américain, privilégie la liberté personnelle à la liberté d'exercer le pouvoir politique, lequel devient le monopole d'une minorité élue, en opposition aux règles de fonctionnement de la démocratie directe telle que celle expérimentée par les Athéniens. En 1819, Benjamin Constant tente de justifier les limites imposées à la liberté des "modernes" (seuls quelques privilégiés exercent concrétement le pouvoir dans le cadre des régimes libéraux du début du XIXème siècle, qui distinguent souvent citoyens actifs et citoyens passifs) en  montrant que la liberté des "anciens" (celle des citoyens de la Grèce antique) était également limitée.



A - La démocratie libérale : un régime où la souveraineté populaire est, dans les faits, déléguée par les citoyens à des représentants, en contre-partie de la garantie par l'État du maintien des libertés individuelles

extrait du discours "De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes"
Manuel page 52

La liberté des Anciens : un "assujettissement complet à l'autorité de l'ensemble"?
Benjamin Constant insiste sur le caractère contraignant (on dirait "totalitaire" aujourd'hui) de la démocratie directe pratiquée dans l'Antiquité. Pour lui, si le Peuple pouvait directement "délibérer sur la place publique de la guerre et de la paix, voter les lois, prononcer les jugements" les individus étaient tenus d'obéir très strictement à la Loi sans que soit aucunement respectés ni le point de vue des minorités ni la liberté d'expression de chacun. Cet argument semble assez valable : car son opposition à la Démocratie vaut par exemple à Aristophane d'être mis à l'amende, alors qu'il s'exprime pourtant dans le cadre d'un spectacle comique ; d'autres sont bannis de l'assemblée voire de la cité pour un délit d'opinion. Et Périclès évoque, s'après Thucydide "la crainte salutaire" qu'ont les Athéniens de violer la Loi.  Il est notoire par ailleurs  que, chez les Athéniens, le blasphème est sévèrement réprimé, comme aussi la contestation de l'ordre religieux établi. Enfin, on peut frapper d'ostracisme un ennemi politique, même sans motif particulier, le condamnant à l'exil.
lignes 14 à 20

les libertés des Modernes : des valeurs communes à l'Angleterre, à la France et aux États-Unis (celles de "la révolutions atlantique")
Benjamin Constant insiste sur les limites de la soumission aux lois de ses contemporains. Aucune arrestation arbitraire ne les menace, pas plus qu'aucune peine ne peut leur être infligée "par l'effet de la volonté arbitraire d'un ou de plusieurs individus" ; il faut un jugement  régulier pour punir une personne. Ceci, depuis que l'Habeas Corpus a été mis en oeuvre dans les îles britanniques, semble la garantie nécessaire aux sociétés avancées. La liberté d'opinion et d'expression est également assurée à chacun, comme le droit de propriété, la sûreté et la liberté d'entreprendre. Ce sont-là les idéaux de la Bourgoisie, heureuse par ailleurs de pouvoir "influer sur l'administration du gouvernement", qui a soutenu la Révolution Française mais s'accommode d'un pouvoir autoritaire (sous le Consulat ou la Monarchie censitaire notamment) pourvu que soient préservées l'Égalité devant la Loi et l'indépendance de l'individu dans sa vie économique et sociale.

lignes 1 à 13



B - L'importance donnée aux" jouissances privées" semble le legs principal de la Révolution française



Les libertés collectives moins importantes que l'autonomie de l'individu
Les Anciens, pour Constant, négligeaient délibérément "les jouissances individuelles" et voyaient uniquement la Liberté comme le fait de pouvoir participer au gouvernement de la cité. Tout au contraire, c'est bien la liberté individuelle qui compte le plus à ses yeux car elle permet "notre indépendance privée". Au "bien commun" assigné comme but de la cité idéale par Aristote est explicitement subsitué comme objectif de la vie en société le Bonheur ("une idée neuve en Europe", disait Saint-Just) dont le penseur Grec croyait seulement l'Homme capable mais qui n'était pas décrit comme l'idéal justifiant l'existence de l'État. Or,dans la démocratie libérale, l'État se doit de protéger l'autonomie des individus face à la société et à lui-même pour contibuer à son bonheur privé..

C - L'individu représenté doit pourtant exercer son "droit de partage" du pouvoir public

Constant (comme Alexis de Tocqueville) aperçoit le risque que les citoyens modernes  soient "absorbés dans la jouissance"  et se désintéressent de l'intérêt collectif et de la chose publique, au point de laisser à leurs représentants la totalité du gouvernement. Ce pessimisme est prophétique car il s'agit de l'un des risques vérifiés dans la démocratie contemporaine, qui soufrent de l'abstention des électeurs et d'une propension à confier la direction des affaires à des experts.