spécialité H.G.G.S.P.
 
 



CHAPITRE I
Les relations internationales



1. Un champ d'étude très complexe


A - L'affaire des Historiens, mais "pas que"...

Les relations internationales concernent notamment :
outre les historiens et les géographes, par tradition : les spécialistes de l'économie et du Droit
mais encore des sociologues et des philosophes, sans oublier les militaires !

Elles sont  également l'objet d'analyses en Sciences Politiques (discipline assez mal définie, qui se soucie avant tout des rapports de pouvoirs et qui considère les états comme des puissances plus ou moins influentes).



B - L'étude des "flux de toute nature et de toute origine traversant les frontières" (Marcel Merle), donc des interactions entre les états (et non entre les nations ?)

 
Les  flux constituant les relations internationales concernent les échanges entre les états (le caractère international des relations prises en compte tenant au franchissement des frontières !).

Il faut comprendre par flux : des échanges de toutes sortes (matériels ou non, y compris des échanges de population) et non pas seulement des transactions commerciales. L'existence de ces flux induit des rapport de force (exemple de l'impérialisme, c'est-à-dire de l'influence voire de la domination, économique ou culturel).

L'expression "relations internationales" consacre une sorte d'abus de langage, puisqu'elle désigne l'étude des interactions entre les états - tous assimilés à des nations - alors que des nations peuvent exister, qui n'ont pas d'état indépendant (on peut les désigner comme des nationalités, voire comme des minorités nationales ou des peuples sans état).

C'est du reste souvent de relations intergouvernementales (et d'OIG ou d'ONG) dont on parle au plan juridique (mais presque jamais de relations "inter-étatiques" quand le terme pourrait pourtant sembler plus approprié).


C'est le modèle de l'état-nation (une seule nation dans l'État) inventé par les Britanniques et les Fançais, qui s'est imposé comme l'organisation politique "normale" depuis l'aube de l'ère industrielle - mais il est convenu aujourd'hui de soutenir qu'il s'agit d'un modèle "en crise".



C - Une mondialisation tardive

L'étude des relations internationales ne concerne à proprement parler, à l'origine, que la seule Europe, où les états modernes se mettent en place au XVIème siècle (la Renaissance, François 1er)  et où la manière de les gouverner devient très tôt un objet d'étude ("Le Prince" de Machiavel est publié en 1532 mais conserve pour ses lecteurs un caractère ambigu).

Ce sont les états européens qui conviennent dès le XVIIème siècle (traités de Westphalie) des règles diplomatiques encore en usage de nos jours et qui posent les bases du principe de non ingérence tout en reconnaissant la nécessité de maintenir un "équilibre" entre eux. Ils autorisent toute coalition visant à empêcher qu'une puissance n'impose unilatéralement sa domination.

 Entrent progressivement dans le concert des nations quelques états reconnus comme souverains par les Européens et nés aux XVIIIème et XIXème siècles : les Etats-Unis puis Haïti, enfin les autres états américains libérés de la tutelle espagnole et portugaise . Le reste du monde est considéré comme inorganisé et se trouve globalement dominé par l'Europe, sauf quelques exceptions telles que la Chine et le Japon, des pays repliés sur eux-mêmes, voire l'empire Ottoman, décrit comme un "homme malade".

La mondialisation des relations internationales est donc très récente ; elle n'a lieu qu'à partir du XXème siècle, où la colonisation puis la fin des empires assurent la diffusion du modèle stato-national (la plupart des frontières africaines et asiatiques ont été délimitées par les puissances européennes), et où elles concernent pour la première fois des flux multiformes et très massifs (diffusion globale de produits technologiques et de biens culturels, essor du tourisme international et des mobilités migratoires).




2. Des acteurs nombreux

A - La théorie classique, trop réductrice

Selon celle-ci portée par de nombreux auteurs dont le philosophe Raymond Aron en France, quand il traite de la guerre : suivant cette conception, l'état est l'acteur principal, voire unique, des relations internationales, qui se confondent dès lors avec l'histoire diplomatique et militaire.
Dans cette vision le rôle des états est d'abord d'assurer la sécurité des nations (donc leur propre sûreté, la défense de leurs intérêts, au nom de l'égoïsme sacré, voire la sécurité collective des états).

Cette théorie est critiquée car elle insisterait beaucoup trop sur les conflictualités et évacuerait complètement la notion de solidarité éventuelle entre les peuples, pour ne prendre en compte, de manière cynique, que les antagonismes et rapports de force. Par ailleurs, elle aurait tendance à considérer chaque état comme un monde clos, malgré l'importance (croissante) des influences extérieures, et donnerait trop d'importance aux initiatives personnelles des dirigeants politiques. Enfin, les actions et mouvements d'opinion influençant les relations internationales sont, dans ce cadre, toujours réputées avoir été inspirées ou manipulées par les états...

B - La théorie marxiste, simpliste et inopérante


Formulée par Lénine et non par Karl Marx en personne, elle postule que les états sont portés à l'expansion du fait des contradictions du capitalisme et explique par là "l'impérialisme" des pays non socialistes (la crise économique serait une conséquence normale du capitalisme, liée au manque de débouchés, lequel justifierait des annexions suscitées par la concurrence entre les états). La guerre condamnerait donc l'expansion heureuse des états non socialistes comme les contradictions de l'économie capitaliste annoncent, de manière plus générale, son échec inévitable et la révolution mondiale).

Contrairement au préjugé marxiste, la responsabilité du capitalisme libéral dans l'exacerbation des rapports de force entre états n'est cependant pas établie, puisque le libre-échange permet au conraire d'éviter l'expansion territoriale des puissances industrielles, alors que, par ailleurs,  les états dits socialistes (en fait : des régimes communistes, en place pour atteindre  l'idéal communiste dans l'avenir mais encore au stade primitif - de leur point de vue - du socialisme)  ont été incapables d'établir entre eux des relations plus harmonieuses que celles existant entre les états non socialistes (schisme titiste, rupture sino-soviétique, coup de Prague, etc.) L'URSS elle même a parfois collaboré avec des états capitalistes (le pacte germano-soviétique en 1939 signé par Ribbentrop et Molotov et assorti d'un plan de partage de la Pologne a démontré la vanité de la théorie léniniste, tandis que la théorie "classique" reste soutenable).




C - L'approche sociologique, mise en avant dans "le monde anglo-saxon"

Elle consiste en une étude pragmatique et sans a priori des phénomènes, avec le souci de rechercher tous les facteurs de causalité. Mais la démarche se heurte à plusieurs difficultés majeures : on notera d'abord qu'aucun observateur n'est totalement neutre. Par ailleurs,  cette approche globale suppose la prise en compte d'une quantité énorme de données, ce qui nuit à la précision des enquêtes, et elle n'a produit que des modèles explicatifs très fragiles, presque toujours très contestés.

L'Université américaine élabore dans le cadre de cette approche empirique de nombreuses théories, dont certaines sont séduisantes (celle du "clash des civilisations", formulée par Huntington, a été très diffusée mais sa pertinence est mise en cause car les conflits qu'elle avait annoncés ne se produisent pas tout à fait dans les régions du monde prévues ; celle de Bruce Cumings - la théorie du moyeu - postule que les États-Unis demeurent l'unique superpuissance mondiale, ce qui n'est qu'une probabilité non avérée). Le traitement des données par l'informatique et le recours à l'intelligence artificielle font espérer un débouché sur des modèles plus fiables (prédictifs) permettant de saisir la complexité des relations internationales de notre époque.

L'originalité des approches sociologiques réside dans le refus de considérer que la recherche de la puissance est le but unique de la politique de n'importe quel état ; de ce point de vue, Raymond Aron, quand il analyse, non plus l'état de guerre, mais les RI en général, fait oeuvre de sociologue : doutant du préalable posé par la plupart de sobsevateurs anciens consistant à prêter systématiquement des ambitions hégémoniques  aux nations et dénonçant  leur abus du recours à la notion d'intérêt national pour expliquer les interactions entre nations, il prétend soumettre les faits et les concepts à "la critique de l'Histoire", et croit bien  davantage que la plupart des auteurs dits "réalistes" à l'importance des facteurs poliques endogènes (nature du régime, etc.) et au poids de l'économie. Mais il n'adhère pas non plus à la théorie anglo-saxonne de l'interdépendance automatique des politiques économiques et diplomatico-militaires, l'un des discours les plus répandus parmi les théoriciens de l'école sociologique.




3. Une révolution (de la conception des relations internationales)
dans le temps long


A - A l'origine, le fait du Prince : et une pratique souvent belliqueuse

Le diplomate  est au départ un simple messager, porteur d'un "diplôme" soit un acte écrit émanant d'un souverain et adressé le plus souvent à un autre souverain. Il s'agit pour lui de déclarer la guerre ou de poser des revendications de manière officielle, au nom du prince qui l'a mandaté, voire de proposer que soient noués des rapports amicaux entre deux états (parfois : dans l'objectif de forger une alliance contre un tiers, ou bien pour encourager le commerce). Suivant la théorie classique, la guerre opposerait entre elles, d
ans une première phase chronologique, des puissances régnantes puis la guerre -tout en restant une posture normale des relations-  évoluerait (pour devenir un conflit entre nations, avant de prendre la forme d'antagonismes  idéologiques).

B - A l'époque contemporaine : la pression croissante des intérêts de toute sorte

Dès la fin du XVIIIème siècle, l'influence des idéologies
(déjà décelables dans quelques cas des siècles plus tôt - notamment dans le cadre de conflits religieux) est très évidente. 
L'évolution des relations internationales fait en effet apparaître le caractère essentiellement politique des conflits en Europe  (guerres révolutionnaires puis napoléoniennes, hostilité durable des monarchies envers la forme républicaine de gouvernement.).

Les données géographiques, démographiques et économiques prennent aussi une importance croissante et menacent le libre-arbitre des hommes d'état (décideurs ?) qui, par exemple,  font la politique "de leur natalité" ou encore entendent participer à la prédation des ressources (révolutions industrielles) voire remplir une mission civilisatrice au nom du christianisme et/ou en vertu de conceptions racialistes (colonisation).

C - Depuis 1919 : des efforts de pacification contrariés par la montée des antagonismes idéologiques

Avec la première guerre mondiale  les relations internationales s'universalisent enfin, tandis que l'Anglais s'impose progressivement comme langue de la diplomatie (dans un premier temps, aux côtés du Français, auparavant préféré par les diplomates). Un premier effort est conçu pour rassembler la "communauté internationale" dans une organisation  ouverte à tous les états : c'est la SDN, dont l'échec est compensé par la création de l'ONU, organisation qui entend restaurer après la seconde guerre mondiale l'idéal pacifique de sa dévancière et promouvoir les "Droits de l'Homme" en se dotant de moyens de coercition nouveaux devant permettre la soumission des états à la loi internationale. Les conflits  perdurent cependant, et ce d'autant plus fortement que les antagonismes idéologiques se développent durant la Guerre Froide...

La chute de l'URSS pose à la fin du XXème siècle la question d'un monde potentiellement dominé par une seule  hyperpuissance ou devenu tout au contraire plus équilibré (multilatéralisme) mais soumis à des formes de violence nouvelles (hyperterrorisme). Le début du XXIème siècle confirme les ambitions nouvelles de la Chine, perçues comme une menace pour l'hégémonie des États-Unis, et le désengagement - relatif- de ces dernier en Europe et au Moyen-Orient (politique "du pivot" vers l'Asie) tandis que de premiers conflits de civilisation sont décrits comme tels au début de ce siècle (entre sunnites et chiites, notamment) par des observateurs manquant toutefois du recul nécessaire pour valider leur perception (40 ans après, on constate que les conflits sont plutôt localisés au sein même des grandes aires de civilisation et non à leurs points de contact).