Napoléon III : de la gloire à la défaite puis l'humiliation de 1871
A - "L'empire c'est la paix" :
une promesse initiale non tenue mais rassurante pour l'opinion
nationale et à l'origine du "coup de foudre" britannique
Ses
visites en Angleterre et la séduction réelle exercée par Napoléon III
sur le couple royal et la reine Victoria lui permettent d'éviter
l'opprobre de la part de la famille régnante, pourtant très proche
avant la révolution de 1848 de Louis-Philippe et des siens (première
"entente cordiale" suivant les mots de Guizot). Son programme pacifique
apaise les gouvernants anglais, heureux de la conversion de la France
au libre-échange (que Napoléon impose par un "coup d'état douanier" en
1860, alors que la Monarchie de Juillet avait temporisé et refusé de
faire cette concession aux Britanniques).
Soucieux de gloire, Napoléon III a l'habileté de se poser en allié du
Royaume Uni face aux ambitions hégémoniques des autres puissances (il participe notamment à
la guerre de Crimée, conduite entre 1853 et 1856 pour repousser les
Russes hors des Balkans et sauver l'empire ottoman, alors que le Tsar
convoitait Istanbul et entendait obtenir le droit de "protéger"
les Chrétiens d'Orient, un rôle finalement concédé à la France par la Sublime Porte).
B - Des ambitions européennes et mondiales et des succès indéniables mais paradoxaux en Italie
Point de passage : Le rattachement de Nice et de la Savoie
La reine Victoria au théâtre, en compagnie de Napoléon III (Covent Garden, 1855)
B1 LE BELLICISME DE NAPOLÉON III : TRAHISON DÉLIBÉRÉE DE LA PAROLE
DONNÉE ?
"S’il a
promis que l’Empire qu’il restaure, à l’automne 1852, sera pacifique,
et s’il cherche de fait à promouvoir, tout au long de son règne, le
principe de grandes conférences destinées à résoudre pacifiquement les
tensions internationales, Napoléon III apparaît par ailleurs, au
moins aux yeux des monarchies du centre et de l'Est européen, comme un
fauteur de troubles".
D'après
le site EHNE (encyclopédie numérique de la Sorbonne)
Deux motifs conduisent Napoléon III à soutenir des entreprises
militaires ambitieuses, malgré la posture pacifique et généreuse qu'il
affecte de conserver toujours :
- la défense du principe des nationalités, auquel il est attaché depuis
sa jeunesse
et
- les intérêts de la France, dont il souhaite qu'elle redevienne une
grande puissance, et dont il veut par ailleurs étendre le territoire
Polyglote et sans aucun
préjugé xénophobe, Napoléon est le neveu du grand conquérant d'origine
Corse et, encore que sa filiation soit parfois contestée (en raison des
rapports difficiles entre ses parents) il se pose en héritier du
premier empire, voyant en Napoléon un génial précurseur ayant voulu
l'union de l'Europe ses peuples libres bénéficiant ainsi tous
des droits conquis par la Révolution et se rassemblant face aux
prétentions russes et américaines. Sa perception de l'Histoire
contemporaine est très romantique (et flatteuse pour ce qui est du
règne de Napoléon Ier) inspirée notamment par le Memorial de Sainte-Hélène (légende dorée)
Sensible à la cause grecque
mais trop jeune pour la défendre par les armes, il a participé, à peine
adulte, à la révolution des Italiens contre le pape et l'Autriche en
1831 (son frère est tué dans ces circonstances, lui-même a pris de
grands risques) et il soutient
en 1856 (réglement de la guerre de Crimée qu'il a menée aux côtés des
Anglais et contre la Russie, seule rivale du Roayume-Uni) l'indépendance de la Serbie, du
Montenegro, plaidant pour une autonomie renforcée des principautés
roumaines.
Bien
que sincérement
désireux de libérer l'Italie, Napoléon négocie secrétement avec le
Piémontais Cavour, premier minitre du roi de Sardaigne, avant que ce
dernier n'entre en guerre contre l'Autriche en 1859. Il lui promet son
aide, mais il exige en contre-partie d'une armée de 200 000
Français la remise de la Savoie et du comté de Nice, ainsi que la
répression des anarchistes et autres révolutionnaires Italiens
complotant contre lui. Il sait donc faire preuve, parfois, de
réalisme,voire de cynisme, malgré les élans irraisonnés de sa politique
; il envisage la guerre en Italie comme un
moyen de
renforcer le prestige national et d'agrandir le territoire.
B2 DES RISQUES MAL CALCULÉS ?
Napoléon III semble directement responsable de trois grandes
guerres européennes, avec des résultats cependant très divers :
- La guerre d’Orient (Crimée) en 1854-1855, est conduite par
les Français et les Britanniques contre la Russie, pour l'évincer des
Balkans et la détourner de Constantinople, aux mains de "l'homme
malade" qu'est l'empire otoman.
Cette
campagne victorieuse scelle l'alliance d'intérêts que la
Grande-Bretagne elle-même perçoit avec l'Europe occidentale (la France
mais aussi les états de la péninsule ibérique, où le Royaume-Uni
soutient les deux reines d'Espagne et du Portugal, dont la présence sur
le trône est contestée par des prétendants réactionnaires mais
qui bénéficient du soutien des Libéraux) et met un coup d'arrêt aux
prétentions du
Tsar à jouer un rôle prépondérant en Méditerranée. Elle pose l'empire
français en arbitre de l'Europe (la paix est négociée à Paris, ce qui
efface l'humiliation - relative - du congrès de Vienne) et en
protecteur des droits des Italiens (le royaume sarde est en effet
invité par Napoléon à prendre part à la guerre et siège à la conférence
de paix).
L'entente cordiale ne dure
poutant pas. Après l'attentat d'Orsini (1856) la France s'offusque en
effet du manque d'empressement des tribunaux britanniques (car le coup avait été préparé en
Angleterre) à traquer ses
complices dont l'un est même acquitté. La presse parisienne
critique alors le Royaume-Uni : le gouvernement de Sa Majesté en est froissé, et les
relations se tendent, encore plus quand Napoléon III intervient au Liban en 1860-61 pour y
protéger la minorité chrétienne, et surtout quand il revendique quelques années plus tard et
avec beaucoup de maladresse, des annexions (la Belgique, le Luxembourg
voire la Rhénanie) en guise de dédommagement de la neutralité française
dans le conflit austro-prussien de 1866. Inconséquent, Napoléon III ne
se soucie visiblement plus de cultiver l'amitié des Britanniques, dont
le soutien, pourtant, lui avait permis de se faire accepter par les
puissances étrangères, au début de son règne.
un apogée : le congrès de Paris
-La guerre d’Italie, en 1859, est un succès douloureux.
La guerre est préparée en 1858 (entrevue de plombières) sans
que Napoléon III n'en ait informé son propre ministre des affaires
étrangères, Walewski (le fils naturel de Napoléon Ier) puis est rendue
presque inévitable par le traité (secret) de janvier 1859. Quand la
monarchie autrichienne adresse un ultimatum au roi de Sardaigne Victor-Emmanuel, en
avril 1859, lui enjoignant de démobiliser, la France annonce qu'elle
honorera ses engagements. Présent à la tête de l'armée, malgré son
incompétence notoire, Napoléon III remporte les victoires sanglantes de
Magenta et Solférino (en juin ; un témoin traumatisé, le Suisse Henri Dunant,
forme, sur le champ de bataille, le projet de créer la "Croix Rouge")
puis il négocie directement la paix avec l'empereur d'Autriche (armistice de Villafranca, en
juillet, par lequel les Sardes obtiennent seulement la Lombardie).
La campagne indispose la
bourgeoisie française, traditionnaliste et soucieuse d'ordre, qui juge
d'abord que la guerre risque de profiter aux Républicains italiens puis
s'indigne qu'elle ait débouché sur une invasion des états du pape, ce
dernier ne conservant que Rome et ses abords ; elle inquiète les
puissances germaniques et la Russie, qui ont redouté une victoire
française trop brillante et manifesté leur opposition, conduisant
Napoléon III à écourter la campagne ; sa conclusion précipitée déçoit
Cavour (qui démissionne) et l'opinion italienne, furieuse d'être
abandonnée (même si, en sous-main, Napoléon continue de favoriser
l'unification de la péninsule après 1859) puis de voir une expédition
française, montée sous la pression des catholiques, empêcher (en 1867 :
combat de Mentana) la prise de Rome. Là encore, l'empereur a
négligé de conserver durablement une alliance pourtant chère à son
coeur, en raison de considérations
de politique intérieure. Il s'est brouillé avec les Italiens comme avec les Anglais.
carte de l'unité italienne en 1870
- La guerre contre la Prusse sera une catastrophe, dans la ligne des
déboires subis par le régime dans la seconde décennie du règne.
Incapable de doter la France
d'une armée indiscutablement supérieure à ses rivales, Napoléon III se
perd dans ses contradictions. C'est ainsi que, voulant se rapprocher de
la Russie, allié possible contre les empires germaniques, il se l'est
aliénée en ne la soutenant pas contre les Polonais en révolte en 1863.
Accusé par les États-Unis d'avoir proposé une "médiation inamicale" à
l'occasion de la guerre de Sécession, il s'enferre au Mexique, où les
troupes françaises débarquent en 1861, en même temps que des
contingents espagnols et anglais, au prétexte de recouvrer par la force
les dettes du régime du dictateur Juarez, puis y restent les années
suivantes, seules ! au grand déplaisir de Londres, et jusqu'en 1867...
où leur départ sonne le glas du règne de l'archiduc catholique
autrichien Maximilien, titré "empereur du Mexique" entre 1863 et 1867
mais arrêté et fusillé après le retrait du corps expéditionnaire. Les
rapports avec Londres restent difficiles, d'autant que Napoléon
III entend exercer une inlfuence mondiale et impulse de nouvelles
conquêtes coloniales (conservant l'Algérie, où il rêve d'un empire
arabe, s'implantant en Afrique occidentale ou au Vietnam au nom d'une
"mission civilisatrice" de la France, laissée de facto à l'armée : car
l'émigration de colons français n'est pas encouragée sous son règne).
Vis à vis des Allemagnes, Napoléon III hésite entre une adhésion toute
théorique au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes... et des
stratagèmes par lesquels il espère notamment profiter du conflit entre
la Prusse et l'Autriche, en 1866 (mais la Prusse écrase très rapidement
son adversaire alors que l'empeur des Français avait anticipé une
guerre longue) et il se déconsidére aux yeux du monde en réclamant sur
le Rhin, et à contre-temps, soit après la défaite des Habsbourgs, ce
que Bismark appelle "des pourboires" alors qu'il a déjà obtenu la
Vénétie (immédiatement rétrocédée à l'Italie, ulcérée par la
transaction, qui découmle de sa propre impuisance militaire, plutôt qu'emplie de gratitude).
B3 LA GUERRE FRANCO-ALLEMANDE DE 1870