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"Le temps des cathédrales"

       

Le but du tapis d'après l'étude du rond central, est double : il s'agit premièrement de récuser le dualisme (soit l'idée que le monde visible ne serait pas l'oeuvre de Dieu, mais d'une divinité mauvaise) puisque c'est Dieu qui est le créateur de l'Univers, mais aussi d'affirmer que Dieu est à la fois le Père (celui de la Bible des Juifs, légèrement modifiée et complétée sous le nom d'Ancien Testament par les Chrétiens) et le fils (celui des Evangiles, le "Verbe" de Dieu, qui a pris chair dela Vierge Marie, est mort sur la Croix, selon les quatre récits canoniques de la vie de Jésus constituant le Nouveau Testament).

4. La volonté de christianiser le calendrier (et la société tout entière)

Intérêt : Entre le XIème et le XIIIème Siècle l'Eglise se réforme et entend régénérer le christianisme et augmenter son influence, auprès du petit peuple comme des seigneurs et des rois. On constate ici, grâce au Tapis, que l’Eglise s'adresse à tous, même aux illettrés, et qu'elle a par ailleurs renoncé à détruire tous les symboles du paganisme ; elle cherche au contraire à  christianiser les mythes et les pratiques religieuses préexistants (les mois représentés autour du récit de la Génèse sont décrits comme des dieux païens christianisés, de même que les quatre vents, allégorie du souflle créateur de Dieu, l'ensemble de la scène s'inspire de calendrier de l'époque romaine et païenne).

Portée : Le calendrier s'est christianisé grâce aux efforts de l'Eglise médiévale : le "Jour du Soleil" encore nommé ainsi par le document deviendra ultérieurement le Jour du Seigneur ou Dimanche), et le début de l’année ne sera plus forcément, au Moyen Age,  fixé en janvier  (date d'entrée en fonction des consuls romains). On le situera plutôt à Pâques voire au moment de la circoncision de Jésus... (C'est seulement sous François 1er, en 1564, qu'on renonce en France à faire démarrer l'année le 1er avril).

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LES ANIMAUX REPRESENT-ILS LA SOCIETE
DU XIIème SIECLE ?


Sur le Tapis, on voit sur la gauche d'Adam un cerf.. qui figure peut-être une personne attendant d'être baptisée, et une sorte de dragon... évoquant peut-être les hérétiques ?
 

La licorne sur sa droite représenterait les ecclésiastiques (ceux qui prient), situés sur une ligne imaginaire entre les yeux d'Adam et les livres saints, les chiens seraient l'image de ceux qui combattent, et le mouton et la chèvres des paysans.

Le boeuf pourait être mis pour le peuple juif et le cheval pour les élites urbaines, groupe de "bourgeois" en pleine ascension ?

 

LE TAPIS DE LA CREATION

Les fidèles constituent l'Eglise : c'est-à-dire, en principe, l'ensemble des Chrétiens.
Mais il faut en pratique distinguer les Laïcs (simples croyants) des membres du Clergé. L'Eglise Latine tente à la fois d'imposer des moeurs chrétiennes à la population tout entière (et de christianiser le calendrier et les fêtes) mais aussi de rendre plus conforme aux principes de la Religion le comportement des ecclésiastiques : c'est pourquoi on parle de "réforme" de l'église médiévale, dont le but est de séparer plus nettement  les clercs des Laïcs. Les guerriers sont sommés de devenir des "chevaliers", des trêves et "paix de Dieu" sont décrétées, le droit d'asile réaffirmé. Des ordres mendiants vont également apparaître, qui pratiquent la pauvreté évangélique (Les Franciscains fondés par François d'Assise, notamment) et l'Abbaye de Cluny va reprendre en main un grand nombre de monastères afin d'imposer aux moines la nécessité du  travail (un devoir égal à la prière selon la règle de Saint Benoît).


Des fidèles mieux encadrés : un élément de patrimoine religieux attestant l'effort de l'Eglise pour éduquer les fidèles
(Le Tapis de la Création, Gérone, vers 1100)


1.  Une broderie représentative de « l’art textile roman » ?
(Un art très mal connu  
par ailleurs !)



2.  La conviction d’un monde ordonné par un Dieu Unique (Commentaire du rond central )

Le Christianisme est une religion du Livre (c'est-à-dire fondée sur la Bible, très largement commune aux Chrétiens et aux Juifs, mais aussi aux Musulmans) et un monothéisme complexe.
Le Dieu créateur de l’Univers est assimilé par les Chrétiens au Dieu incarné (Jésus, le Christ ou Messie, c'est-à-dire le Sauveur, encore appelé le Logos, soit Le Verbe). 

C'est pourquoi c'est Jésus (reconnaissable à son auréole) qui figure au centre du tapis ;  il lève la main  droite en signe de paix mais en désignant aussi les premiers mots de la Génèse (récit de la créatin du monde) dans la Bible dans sa version latine ("Dieu dit aussi : que la Lumière soit et la Lumière fût")  et a dans sa main gauche les "saintes écritures" (les Chrétiens ajoutent à l'Ancien Testament le Nouveau, c'est-à-dire les Quatre évangiles canoniques).
L'Eglise entend dénoncer l'hérésie manichéenne, selon laquelle le monde visible est la création du Diable,
et elle soutient par ailleurs, en pleine époque féodale, que le Christ est le Roi véritable, celui qui est "aux Cieux" et dont,  les rois t
errestres ne sont que des lieutenants, agissant au nom du souverain céleste : d'où la mention "rex fortis".


3 . Commentaire de la scène où Adam désigne les animaux

Le rappel du mythe d’Adam et Eve (la Genèse) s'accompagne dans le tapis d'une allusion à l'organisation sociale de l'époque, les animaux figurant les différents ordres nettement séparés, comme le souhaite la réforme grégorienne .



La version du Roman faisait d'Adam lui-même le créateur des animaux utiles, Eve étant responsable de la création des "nuisibles", en mésusant de la baguette donnée par Dieu à Adam . Cette lourde misogynie (assumée ou exagérée ?)  est une allusion au pêché originel, attribué par les Chrétiens à Eve. Tentée par le serpent elle aurait causé l'expulsion de l'Humanité hors
 
du Jardin d'Eden