1 Roi à douze ans ! et chanceux...
Louis IX est l’héritier de la troisième race royale : Les Capétiens
C'est un descendant d'Hugues Capet, roi élu en 987. Avant sa famille (les
Capétiens) deux dynasties ont régné successivement sur la France : les Mérovingiens
(première race royale, celle de Clovis) puis les Carolingiens (la dynastie
de Charlemagne, couronné empereur à Rome en 800).
Régnant sur le royaume de France mais ne gouvernant effectivement que leur
domaine, c'est-à-dire, en gros, les alentours de Paris et Orléans, les rois
Capétiens se sont imposés avec difficulté mais, servis par la chance, ils
ont progressivement établi l'hérédité de leur couronne en faisant sacrer leurs
fils de leur vivant.
Philippe Auguste, grand père de Louis IX, qui doubla la taille du domaine
royal, fût le premier Capétien suffisamment sûr du prestige familial pour
renoncer à cette pratique. Louis IX n'est donc sacré qu'après la mort de
son père, à une époque où, si le roi de France est encore faible par
rapport aux princes, souvent plus riches que lui (duc d'Aquitaine, comte de
Flandre, mais aussi de Blois ou de Champagne), sa légitimité n'est plus
contestée.
C'est un prince miraculé et bien entouré
Louis IX est, en 1226, le premier un roi mineur à être sacré (car il n'a pas
encore 14 ans). Trois frères et une soeur plus âgés que lui sont déjà
morts, quand le jeune prince hérite de la couronne (sept des douze enfants
de Blanche de Castille vont au total mourir en bas âge ou à l'adolescence - ce
qui prouve que, même dans les familles royales, la mortalité est très élevée au
Moyen Age). Blond, plutôt chétif, Louis se révèlera d'une constitution de fer.
Devenue régente à la mort de son mari, Blanche de Castille se révèle une femme
de tête, parfois excessive (Louis IX se réfugie dans une armoire pour ne pas
être surpris par sa mère quand il rend visite à son épouse !) mais capable de
séduire sans compromettre son honneur un prince comme le comte Thibaud de
Champagne, celèbre troubadour, devenu roi de Navarre. Intelligente, la mère de
Louis IX administre correctement le royaume pendant la minorité de son fils
puis durant ses absences. Louis IX pourra toujours compter sur sa mère pour le
conseiller, même après 1235, date à laquelle il commence à gouverner par lui
même, ainsi que sur son épouse, dévouée et courageuse : Marguerite de
Provence, épousée en 1234 (elle a alors treize ans, lui en a vingt).
Marguerite accompagne Louis en croisade et met au monde trois enfants
outre-mer, et elle prend la tête de l'expédition française en Egypte quand
Louis y est fait prisonnier par les Turcs.
Le roi est, de plus, entouré d'hommes dévoués, comme Joinville, auteur de
célèbres chroniques racontant le règne.
Un roi populaire
Dès 1226, la régente peut compter sur la sympathie des Parisiens, appelés par
elle à la rescousse quand le Duc de Bretagne tente de faire saisir le jeune
roi, contraint de se réfugier dans la tour de Montlhéry. Durant son long règne,
Louis IX est parfois confronté à la rébellion de ses grands vassaux mais il peut
toujourscompter sur le soutien des petites gens ; il appuie à l'occasion leurs
revendications contre les seigneurs. C'est donc le premier roi à rechercher
l'appui de ses humbles sujets face à la noblesse.
L' impartialité de Louis IX lors des procès qu'il aime
à rendre lui-même et en public (notamment quand il donne
tort à
son propre frère) le rend par ailleurs admirable, même aux
yeux des nobles,
comme aussi son souci constant d'agir en bon Chrétien
respectueux de l'Eglise,
et d'être un roi Justicier. Le peuple apprécie d'autant
plus son impartialité, dont les racines sont religieuses (Louis
délègue des enquêteurs pour réparer ses
torts avant chaque croisade) qu'il cherche à se libérer
de l'arbitraire imposé par les seigneurs et que les villes,
notamment, veulent se placer sous la protection du Roi pour
échapper à celle des Féodaux.
2 - Un modèle pour les chevaliers...
Un guerrier (adoubé et formé au maniement des armes, comme tous les jeunes
nobles de son temps).
Louis IX est roi à l'apogée du système
féodal : tous les châtelains, princes et
vassaux, tous les combattants, sont alors devenus des chevaliers. Seuls
les guerriers trop peu fortunés pour se payer un cheval, et pour
cette raison
qualifiés d'écuyers, restent en dehors de l'ordre des
chevaliers. L'Eglise leur
impose de respecter un code moral strict (défense de la veuve et
de l'orphelin,
respect des trêves) et désigne leurs adversaires
légitimes (infidèles, hérétiques ou
parjures). L'adoubement, qui, pour Louis, a eu lieu très
exceptionnellement à la veille de son couronnement, est une
cérémonie où
dominent le jeûne et la prière, qui lie le combattant
à l'Eglise et le place au service de Dieu.
Louis IX apprend dès sa jeunesse à monter, manie
l'épée, porte l'armure, ses loisirs
comprennent la chasse et le tir à l'arc. Il sera toute sa vie un
combattant
exemplaire, par sa bravoure mais aussi sa technique. C'est
donc tout à la fois ses sentiments charitables, son sens du
dévoument et son courage qui font l'admiration de tous les
chevaliers.
Un homme vertueux (modeste, charitable et pieux, bon époux et bon père).
Louis IX selmble posséder toutes les qualités
chrétiennes et se taille une grande réputation de justice
en rendant des arbitrages
mesurés. Il est un roi relativement modeste, qui ne cherche pas
systématiquement à étendre ses biens.
Dès 1229, le roi doit par exemple intervenir pour régler les querelles
consécutives à la croisade des Albigeois (du nom d'une secte dualiste assimilée
aux "cathares"). Il décide que le comté de Toulouse sera divisé en
trois parts à peu près égales et n'en conserve qu'une seule pour agrandir son
domaine. Un autre tiers est laissé en fief au comte, pourtant suspecté
d'hérésie, et le reste va à la fille du comte, Jeanne, à titre de dot (elle est
fiancée, à 3 ans, au jeune frère du roi, Alphonse).
Capturé en Egypte par les Musulmans, parce qu'il a refusé d'abandonner son
armée en déroute, frappée de maladie, Louis IX s'est pourtant bien battu. Il
résiste aux intimidations de ses geoliers, refuse de négocier une rançon
séparée pour lui même, par crainte de voir les moins riches des chevaliers être
sacrifiés ; il s'en remet à "sa Dame", la reine, pour les tractations avec ses
adversaires.
Un grand seigneur
Magnifique (organisateur de tournois et de fêtes somptueuses) car il se doit de
vivre "comme un prince" et d'adopter le mode de vie dépensier et
joyeux des autres seigneurs, Louis IX attire à sa cour, par ses fastes, les
plus puissants de ses "hommes" (ses vassaux ou "barons" qui
lui ont rendu "hommage") de sorte que, lorsqu'il juge un seigneur, il
est entouré, conformément au droit féodal, des plus hauts parmi ses vassaux.
Cela accroît la réputation de son tribunal et son prestige de juge, auquel
recourt même, quand il est en conflit avec ses propres vassaux, le roi
d'Angleterre Henri III. Ce roi a pourtant été l'ennemi de Louis IX,
victorieux à Taillebourg et Saintes en 1242 malgré une criante
infériorité numérique de l'invasion anglaise soutenue par la rebellion de
nombreux seigneurs de l'Ouest et du Sud : cette victoire est interprétée comme
le signe de la protection divinequi ne se dément jamis par la suite.
3 -Un modèle pour les princes : le « roi des rois terrestres »
(Matthew Paris)
Un prestige international
Matthieu Paris est un artiste et un moine bénédictin anglais, opposé à la
réforme grégorienne et ennemi des ordres mendiants que Louis IX encourage au
contraire ; c'est aussi l'un des sujets du roi d'Angleterre Henri III, qui le
protèges et dont il est le biographe. Ce britannique voue pourtant au roi de
France une admiration paradoxale. Il le trouve supérieur, comme roi, à son
propre monarque, pourtant un ami personnel. C'est la preuve que Louis IX est
parvenu à s'imposer, grâce à son sens de la justice, même à ses
adversaires, qui finissent à se rallier à sa cause, voire à partir avec lui en
croisade (notamment ses vassaux rebelles comme le Comte de Toulouse) et
font régulièrement appel à son tribunal. Au rayonnement de la personnalité du
roi s'ajoute l'exemplarité de son gouvernement : Louis interdit le duel
judiciaire ou ordalie par des ordonnances prises entre 1263 et 1265, il rogne
les privilèges des grands seigneurs en condamnant notamment le Sire de Coucy
qui a fait pendre trois chevaliers ; il se réserve le droit de battre monnaie
et, pour la première fois depuis 500 ans, met en circulation une monnaie d'or
(l'écu). Son royaume est en outre le plus riche de la Chrétienté : des grandes
oeuvres témoignent partout de cette prospérité française (défrichements,
travaux de drainage tels que l'assèchement en 1248 de l'étang de Montady,
chantiers des cathédrales, constructions de moulins, etc.). Beaucoup de nobles
chevaliers relevant de l'empire préfèrent partir en croisade avec les armées
du roi de France plutôt qu'avec les troupes allemandes de l'empereur.
Un roi bâtisseur et collectionneur de reliques
(l’inventeur de la « Sainte Chapelle »)
Louis IX a beaucoup construit en Terre Sainte (des forteresses comme
Château-Pélerin, des hospices...) mais il est aussi à l'origine
d'Aigues-Mortes, ville nouvelle qui donne un port méditerranéen au domaine
royal et sert de point de départ vers l'outremer. Il fait aussi édifier à Paris, sur
l'île de la Cité, entre 1242 et 1247, une église gothique qui abrite des
reliques sacrées faisant de la ville de Paris un centre majeur de la Chrétienté. Il
s'agit d'un fragment de la couronne d'épines du Christ rachetée aux Vénitiens,
qui l'avaient obtenu de l'empereur de Constantinople, mais aussi de
divers objets liés au culte de Jésus et de la Vierge.
Un croisé
Louis IX mène deux expéditions en Orient. Ces croisades sont des voyages armés
(pélerinages) durant lesquels sa femme et ses enfants accompagnent le roi. Mais
il s'agit aussi de véritables opérations de guerre destinées à "libérer le
tombeau du Christ". La piété du roi est grande ; il partage l'idée de son
temps selon laquelle le devoir de croisade est une impérieuse nécessité pour
tout chevalier. La croisade est en effet prêchée par les papes successifs à
partir du XIème Siècle, quand l'irruption des Turcs a fermé aux chrétiens la
route de Jérusalem. Louis va jusqu'à déléguer des ambassades auprès des Mongols
pour s'allier à eux contre l'Islam, mais en vain.
En France même, le roi, "fils aîné de l'Eglise",
comme tous ses prédécesseurs depusi Clovis,
encourage la
christianisation des moeurs : il interdit les jeux d'argent, l'usure et
la prostitution,
puis tolère celle-ci, mais à l'extérieur des murs
de Paris (d'où les
appellations bordelières et bordeau pour les prostituées
et leur lieu
d'exercice). Louis IX prend aussi des mesures vexatoires contre les
Juifs,
sommés en 1269 de porter des marques et des chapeaux
distinctifs. Sans doute
porté par le zèle qui lui a fait interdire le
blasphème, il considère le
Talmud comme un livre offensant pour le Christianisme (condamné
et brûlé à
Paris en 1240) . En revanche, Louis IX semble s'être
opposé aux
violences physiques contre les Juifs, gardiens de l'Ancien
Testament
suivant les théologiens chrétiens du Moyen Age, et il
aurait surtout cherché à
les convertir (?).