LOUIS IX DE FRANCE

 
UN ROI ILLUSTRE


... et un chrétien

 "exemplaire"


INTRODUCTION

Peu de rois de France ont joui d'une réputation aussi excellente que Louis IX, un saint pour l'église catholique.

Régnant sur le plus puissant des états de l'Occident, dans quelle mesure ce monarque est-il un témoin et acteur exemplaire de l'effort que l'Europe féodale  accomplit entre le XIème et le XIIIème siècle pour améliorer ses moeurs et ses lois afin de se conformer plus strictement aux enseignements de l'église catholique latine, tout juste séparée de l'église orthodoxe et dont les papes souhaitent qu'elle adopte la  réforme "grégorienne" ?

Il conviendra d'abord de replacer Louis IX dans l'histoire de la dynastie capétienne et de montrer qu'il fut un roi  de France précoce et servi par des circonstances heureuses.

On montrera ensuite son ascendant sur les hommes nobles, fondé sur un comportement en tout point conforme aux idéaux chevaleresques de son temps. Ce roi de France agit au nom du Christ, mais dans le cadre d'un mode de vie princier alliant somptuosité et prouesses guerrières.


On s'interrogera enfin sur les causes de l'admiration que lui vouent les autres rois du monde chrétien, qui n'hésitent pas à lui demander conseil.

 


 
     

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CONCLUSION

Le roi de France est encore un roi suzerain, pas encore un souverain gouvernant directement tous ses sujets : il se pose comme le premier des chevalier, le seigneur de tous les seigneurs (l'hommage au roi est qualifié d'hommage-lige, liant le vassal plus que les autres serments, faits à d'autres seigneurs).
Qu'il s'agisse d'un calcul ou d'élans sincères, Louis IX domine ses pairs non pas en contestant, mais en utilisant, le système féodal à son profit, et en encourageant les réformes qui caractérisent le Moyen Age entre le XIème et le XIIIème siècle, notamment la christianisation de la société. Le roi arbitre avec impartialité les querelles entre ses vassaux, soutient la réforme grégorienne et accepte que le pape désigne les évêques de son royaume (ce qui lui permet par là de participer à la désignation de tous les prélats, même en dehors de son domaine, donc d'accroître en fin de compte son influence en intervenant dans les fiefs des princes territoriaux) ; son exemple favorise la diffusion de l'idéal chevaleresque (qui moralise les guerriers, donne des devoirs aux seigneurs et incite les vassaux à la loyauté). On  voit aussi Louis IX soutenir les demandes d'autonomie des villes, ce qui renforce sa popularité : de son vivant déjà, beaucoup le considèrent comme un saint. Il meurt lors d'une croisade à Tunis, mais une légende locale raconte qu'il se serait installé dans le pays et y aurait vécu en ermite et en sage (marabout) respecté par les croyants musulmans. Quel autre roi du Moyen Age, même parmi ceux que l'Eglise a canonisé, pourrait lui être comparé et a eu autant d'influence sur son temps ?



1 Roi à douze ans ! et chanceux...

Louis IX est l’héritier de la troisième race royale : Les Capétiens 
C'est un descendant d'Hugues Capet, roi élu en 987. Avant sa famille (les Capétiens) deux dynasties ont régné successivement sur la France : les Mérovingiens (première race royale, celle de Clovis) puis les Carolingiens (la dynastie de   Charlemagne, couronné empereur à Rome en 800).
Régnant sur le royaume de France mais ne gouvernant effectivement que leur domaine, c'est-à-dire, en gros, les alentours de Paris et Orléans, les rois Capétiens se sont imposés avec difficulté mais, servis par la chance, ils ont progressivement établi l'hérédité de leur couronne en faisant sacrer leurs fils de leur vivant. 
Philippe Auguste, grand père de Louis IX, qui doubla la taille du domaine royal, fût le premier Capétien suffisamment sûr du prestige familial pour renoncer à cette pratique. Louis IX n'est donc sacré qu'après la mort de son père, à une époque où, si le roi de France est encore  faible par rapport aux princes, souvent plus riches que lui (duc d'Aquitaine, comte de Flandre, mais aussi de Blois ou de Champagne), sa légitimité n'est plus contestée.  

C'est un prince miraculé et bien entouré
Louis IX est, en 1226, le premier un roi mineur à être sacré (car il n'a pas encore 14 ans). Trois frères et une soeur plus âgés que lui sont déjà morts, quand le jeune prince hérite de la couronne (sept des douze enfants de Blanche de Castille vont au total mourir en bas âge ou à l'adolescence - ce qui prouve que, même dans les familles royales, la mortalité est très élevée au Moyen Age). Blond, plutôt chétif, Louis se révèlera d'une constitution de fer.
Devenue régente à la mort de son mari, Blanche de Castille se révèle une femme de tête, parfois excessive (Louis IX se réfugie dans une armoire pour ne pas être surpris par sa mère quand il rend visite à son épouse !) mais capable de séduire sans compromettre son honneur un prince comme le comte Thibaud de Champagne, celèbre troubadour, devenu roi de Navarre. Intelligente, la mère de Louis IX administre correctement le royaume pendant la minorité de son fils puis durant ses absences. Louis IX pourra toujours compter sur sa mère pour le conseiller, même après 1235, date à laquelle il commence à gouverner par lui même, ainsi que sur son épouse, dévouée et courageuse : Marguerite de Provence, épousée en 1234 (elle a alors treize ans, lui en a vingt). Marguerite accompagne Louis en croisade et met au monde trois enfants outre-mer, et elle prend la tête de l'expédition française en Egypte quand Louis y est fait prisonnier par les Turcs.  
Le roi est, de plus, entouré  d'hommes dévoués, comme Joinville, auteur de célèbres chroniques racontant le règne. 

Un roi populaire
Dès 1226, la régente peut compter sur la sympathie des Parisiens, appelés par elle à la rescousse quand le Duc de Bretagne tente de faire saisir le jeune roi, contraint de se réfugier dans la tour de Montlhéry. Durant son long règne, Louis IX est parfois confronté à la rébellion de ses grands vassaux mais il peut toujourscompter sur le soutien des petites gens ; il appuie à l'occasion leurs revendications contre les seigneurs. C'est donc le premier roi à rechercher l'appui de ses humbles sujets face à la noblesse.
L' impartialité de Louis IX lors des procès qu'il aime à rendre lui-même et en public (notamment quand il donne tort à son propre frère) le rend par ailleurs admirable, même aux yeux des nobles, comme aussi son souci constant d'agir en bon Chrétien respectueux de  l'Eglise, et d'être un roi Justicier. Le peuple apprécie d'autant plus son impartialité, dont les racines sont religieuses (Louis délègue des enquêteurs pour réparer ses torts avant chaque croisade) qu'il cherche à se libérer de l'arbitraire imposé par les seigneurs et que les villes, notamment, veulent se placer sous la protection du Roi pour échapper à celle des Féodaux.

2 - Un modèle pour les chevaliers...

Un guerrier (adoubé et formé au maniement des armes, comme tous les jeunes nobles de son temps). 
Louis IX est roi à l'apogée du système féodal : tous les châtelains, princes et vassaux, tous les combattants, sont alors devenus des chevaliers. Seuls les guerriers trop peu fortunés pour se payer un cheval, et pour cette raison qualifiés d'écuyers, restent en dehors de l'ordre des chevaliers. L'Eglise leur impose de respecter un code moral strict (défense de la veuve et de l'orphelin, respect des trêves) et désigne leurs adversaires légitimes (infidèles, hérétiques ou parjures). L'adoubement, qui, pour Louis, a eu lieu très exceptionnellement à la veille de son couronnement, est une cérémonie où dominent le jeûne et la prière, qui lie le combattant à l'Eglise et le place au service de Dieu.     
Louis IX apprend dès sa jeunesse à monter, manie l'épée, porte l'armure, ses loisirs comprennent la chasse et le tir à l'arc. Il sera toute sa vie un combattant exemplaire, par sa bravoure mais aussi sa technique.  C'est donc tout à la fois ses sentiments charitables, son sens du dévoument et son courage qui font l'admiration de tous les chevaliers.

Un homme vertueux (modeste, charitable et pieux, bon époux et bon père).
Louis IX  selmble posséder toutes les qualités chrétiennes et se taille une grande réputation de justice en rendant des arbitrages mesurés. Il est un roi relativement modeste, qui ne cherche pas systématiquement à étendre ses biens. 
Dès 1229, le roi doit par exemple intervenir pour régler les querelles consécutives à la croisade des Albigeois (du nom d'une secte dualiste assimilée aux "cathares"). Il décide que le comté de Toulouse sera divisé en trois parts à peu près égales et n'en conserve qu'une seule pour agrandir son domaine. Un autre tiers est laissé en fief au comte, pourtant suspecté d'hérésie, et le reste va à la fille du comte, Jeanne, à titre de dot (elle est fiancée, à 3 ans, au jeune frère du roi, Alphonse). 
Capturé en Egypte par les Musulmans, parce qu'il a refusé d'abandonner son armée en déroute, frappée de maladie, Louis IX s'est pourtant bien battu. Il résiste aux intimidations de ses geoliers, refuse de négocier une rançon séparée pour lui même, par crainte de voir les moins riches des chevaliers être sacrifiés ; il s'en remet à "sa Dame", la reine, pour les tractations avec ses adversaires.

Un grand seigneur 
Magnifique (organisateur de tournois et de fêtes somptueuses) car il se doit de vivre "comme un prince" et d'adopter le mode de vie dépensier et joyeux des autres seigneurs, Louis IX attire à sa cour, par ses fastes, les plus puissants de ses "hommes" (ses vassaux ou "barons" qui lui ont rendu "hommage") de sorte que, lorsqu'il juge un seigneur, il est entouré, conformément au droit féodal, des plus hauts parmi ses vassaux. Cela accroît la réputation de son tribunal et son prestige de juge, auquel recourt même, quand il est en conflit avec ses propres vassaux, le roi d'Angleterre Henri III. Ce roi a pourtant été l'ennemi de Louis IX, victorieux  à Taillebourg et Saintes en 1242 malgré une criante infériorité numérique de l'invasion anglaise soutenue par la rebellion de nombreux seigneurs de l'Ouest et du Sud : cette victoire est interprétée comme le signe de la protection divinequi ne se dément jamis par la suite.

3 -Un modèle pour les princes : le « roi des rois  terrestres » 
(Matthew Paris)


Un prestige international
Matthieu Paris est un artiste et un moine bénédictin anglais, opposé à la réforme grégorienne et ennemi des ordres mendiants que Louis IX encourage au contraire ; c'est aussi l'un des sujets du roi d'Angleterre Henri III, qui le protèges et dont il est le biographe. Ce britannique voue pourtant au roi de France une admiration paradoxale. Il le trouve supérieur, comme roi, à son propre monarque, pourtant un ami personnel. C'est la preuve que Louis IX est parvenu  à s'imposer, grâce à son sens de la justice,  même à ses adversaires, qui finissent à se rallier à sa cause, voire à partir avec lui en croisade (notamment ses vassaux rebelles comme le Comte de Toulouse) et font régulièrement appel à son tribunal. Au rayonnement de la personnalité du roi s'ajoute l'exemplarité de son gouvernement : Louis interdit le duel judiciaire ou ordalie par des ordonnances prises entre 1263 et 1265, il rogne les privilèges des grands seigneurs en condamnant notamment le Sire de Coucy qui a fait pendre trois chevaliers ; il se réserve le droit de battre monnaie et, pour la première fois depuis 500 ans, met en circulation une monnaie d'or (l'écu). Son royaume est en outre le plus riche de la Chrétienté : des grandes oeuvres  témoignent partout de cette prospérité française (défrichements, travaux de drainage tels que l'assèchement en 1248 de l'étang de Montady, chantiers des cathédrales, constructions de moulins, etc.). Beaucoup de nobles chevaliers relevant de l'empire préfèrent partir en croisade avec les armées du  roi de France plutôt qu'avec les troupes allemandes de l'empereur.

Un roi bâtisseur et collectionneur de reliques 
(l’inventeur de la « Sainte Chapelle ») 

Louis IX a beaucoup construit en Terre Sainte (des forteresses comme Château-Pélerin, des hospices...) mais il est aussi  à l'origine d'Aigues-Mortes, ville nouvelle qui donne un port méditerranéen au domaine royal et sert de point de départ vers l'outremer. Il fait aussi édifier à Paris, sur l'île de la Cité, entre 1242 et 1247, une église gothique qui abrite des reliques sacrées faisant de la ville de Paris un centre majeur de la Chrétienté. Il s'agit d'un fragment de la couronne d'épines du Christ rachetée aux Vénitiens, qui l'avaient obtenu de l'empereur de Constantinople, mais aussi  de divers objets liés au culte de Jésus et de la Vierge.

Un croisé 
Louis IX mène deux expéditions en Orient. Ces croisades sont des voyages armés (pélerinages) durant lesquels sa femme et ses enfants accompagnent le roi. Mais il s'agit aussi de véritables opérations de guerre destinées à "libérer le tombeau du Christ". La piété du roi est grande ; il partage l'idée de son temps selon laquelle le devoir de croisade est une impérieuse nécessité pour tout chevalier. La croisade est en effet prêchée par les papes successifs à partir du XIème Siècle, quand l'irruption des Turcs a fermé aux chrétiens la route de Jérusalem. Louis va jusqu'à déléguer des ambassades auprès des Mongols pour s'allier à eux contre l'Islam, mais en vain.
En France même, le roi, "fils aîné de l'Eglise", comme tous ses prédécesseurs depusi Clovis,  encourage la christianisation des moeurs : il interdit les jeux d'argent, l'usure et la prostitution, puis tolère celle-ci, mais à l'extérieur des murs de Paris (d'où les appellations bordelières et bordeau pour les prostituées et leur lieu d'exercice). Louis IX prend aussi des mesures vexatoires contre les Juifs, sommés en 1269 de porter des marques et des chapeaux distinctifs. Sans doute porté par le zèle qui lui a fait interdire le blasphème, il considère le Talmud comme un livre offensant pour le Christianisme (condamné et brûlé à Paris en 1240) . En revanche, Louis IX semble s'être opposé aux violences physiques contre les Juifs, gardiens de l'Ancien Testament suivant les théologiens chrétiens du Moyen Age, et il aurait surtout cherché à les convertir (?).